Juillet 2021
Coup de cœur n°112
Kafka et la poupée
Vraie histoire ou légende ? Voici un résumé de la
rencontre émouvante entre Franz Kafka et une fillette …
Histoire que l'on retrouve à travers le livre de Fabrice
Colin : « La poupée de Kafka » Fabrice Colin est un auteur
inclassable. Écrivant aussi bien des polars, de la Science Fiction que de la
littérature pour la jeunesse, il nous offre cette fois un beau roman sur une
fille qui cherche à se faire aimer de son père. Fabrice Colin nous entraîne
dans une histoire où les fantômes côtoient les vivants. Si l’ombre de Kafka
plane tout au long du livre, La
Poupée de Kafka est avant tout un roman
sur le pardon et la réconciliation. Avec les autres, mais aussi avec soi-même.
Quelle est donc cette rencontre ?
La
compagne de Kafka, Dora Diamant, raconte que celui-ci, se promenant un jour
d'automne 1923 dans le parc de Steglitz à Berlin, tomba sur une petite fille en
pleurs, assise sur un banc. A travers ses yeux embués de larmes, elle discerne
la silhouette sombre d'un grand homme maigre portant un chapeau melon. Il se
penche vers elle et lui demande pourquoi elle pleure. Elle lui répond qu'elle a
perdu sa poupée. Il la rassure immédiatement : "Ta poupée n'est pas
perdue, elle fait juste un petit voyage. Je le sais car elle m'a envoyé une
lettre". La petite fille contemple ses yeux gris flamboyants, ses sourcils
très noirs, son beau sourire : "Et pouvez-vous me la montrer ?".
"Malheureusement, je ne l'ai pas sur moi mais je peux te l'apporter :
donnons-nous rendez-vous demain à la même heure". Elle cesse de pleurer et
regarde, pleine de curiosité, l'homme repartir avec la jeune fille blonde et
bienveillante qui l'accompagne (Dora).
Le
lendemain, l'homme est là à l'heure dite. Il sort de son manteau bleu foncé à
la coupe étroite et élégante une lettre parcourue d'un gribouillage noir. La
petite fille ne sait pas lire et l'écoute avec intensité. Parfois, il
s'interrompt et dessine un geste de ses mains expressives et fines. La poupée
explique qu'elle en avait assez de vivre dans la même famille et qu'elle
éprouvait le besoin de briser cette monotonie en changeant d'air même si,
insiste-t-elle, cela ne change rien à l'amour qu'elle porte à la petite fille.
Chaque
jour, l'homme lit une nouvelle lettre à la petite fille absorbée par la
précision du récit et l'humour de son amie. La poupée grandit, va à l'école,
fait la connaissance d'autres personnes. Chaque fois, elle assure la petite
fille de son amour. L'homme pose sa main sur son cœur.
Au
bout de trois semaines, Kafka se présenta à la petite fille avec une nouvelle
poupée. Celle-ci était évidemment différente de l’originale, mais une lettre
jointe expliquait à l’enfant que ” ses voyages l’avaient changée.”
La poupée
annonce qu'elle est tombée amoureuse : elle décrit le jeune homme, la fête de
fiançailles, sa robe de mariée et la décoration de sa nouvelle maison et
conclut : "Tu te rendras compte par toi-même que nous devons renoncer à
nous voir à l'avenir". La petite fille sourit, apaisée de savoir sa poupée
heureuse. L'homme s'éloigne. Elle ne le reverra plus jamais.
Bien
des années plus tard, la fillette devenue adulte découvrit une dernière lettre
fourrée dans un recoin caché, sous les vêtements de la poupée de remplacement.
Celle-ci
disait :
« Tout ce que
tu aimes, tu finiras un jour par le perdre.
Mais à la fin,
l’amour te reviendra sous une forme différente. »
Roland
Bérenguier
Pierrevert
– Juillet 2021
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