16 FEVRIER 2018
Coup de Coeur N° 76
La calomnie
Ce
qui va suivre ne sera pas perçu comme un coup de cœur, mais plutôt
comme une traduction de notre société, que ce soit de nos jours,
mais aussi en toutes périodes de l'histoire.
Il
n'est pas un jour où l'on n'entend parler de rumeurs, de ragots, de
potins, de racontars, de médisances, d'accusations, de on-dit, voire
de diffamations ou de calomnies ...
On
finit par s'habituer à ces fausses nouvelles, à ces « fake
news », à ces « hoax », enfin comme disait mon
grand-père : « ces faussetés », ces « menteries »
…
Et
le web contribue à la propagation très rapide de ces vrais
mensonges !
On
accentue par le terme « vraies vérités » !
Ces
rumeurs proviennent de certains médias ou d'individus ou
d'organismes, dans le but d'induire en erreur, de propager des
fausses nouvelles, de désinformer afin d'en tirer avantages et
intérêts financiers ou politiques. Mais aussi tout simplement nuire
par méchanceté ou jalousie.
En
1772, Beaumarchais écrivait « le Barbier de Séville »,
pièce jouée en 1775 par le Théâtre Français, avec un certain
succès.
Il
est sûrement bon de lire ou relire ce chef d'oeuvre et notamment la
scène 8 de l'acte 2, et nous voilà immergés dans le sujet du
jour : au moment où Bazile, l'entremetteur, veut aider
Bartholo, tuteur de la belle Rosine, dans son périple amoureux.
«
Bone Deus, se
compromettre ! Susciter une méchante affaire, à la bonne
heure ; et pendant la fermentation calomnier à dire d’experts ;
concedo. »
« Singulier
moyen de se défaire d’un homme ! »
Bazile :
« La
calomnie, monsieur ! vous ne savez guère ce que vous
dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en
être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté,
pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux
oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien : et nous
avons ici des gens d’une adresse !… D’abord un bruit
léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo
murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle
bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille
adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et
rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à
coup, ne sait comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler,
s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son
vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne,
et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public,
un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y
résisterait ? »
« Mais quel radotage me faites-vous donc là, Bazile ?
Et quel rapport ce piano-crescendo peut-il avoir à ma situation ? »
« Comment, quel rapport ?
Ce qu’on fait partout pour écarter son ennemi, il faut le faire
ici pour empêcher le vôtre d’approcher. »
Ainsi la calomnie venait au secours d'un personnage afin d'atteindre
un but amoureux. On diffame, on ment, on accuse, on porte atteinte à
l'honneur, pour briser la réputation de quelqu'un
intentionnellement.
On retrouve nombre de citations sur la calomnie :
«
Il n'est pas de vertu que la calomnie ne sache atteindre »
(William
Shakespeare)
«
La calomnie est le ver solitaire de la société, on n'arrive jamais
à lui voir la tête » (A.
Dumas)
« La vérité est
quelquefois complice de la calomnie » (Malesherbes)
La
calomnie, mais aussi la rumeur comme la définissait Pierre
Desprosges :
« Elle
est sale, elle est glauque et grise, insidieuse et sournoise,
d'autant plus meurtrière qu'elle est impalpable. On ne peut pas
l'étrangler. Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde
autour de l'anguille morte. Elle sent. Elle pue. Elle souille. C'est
la rumeur. »
L'écrivain
canadien définissait l'information dans son ouvrage « Le mot
du silencieux » en 1978 :
« L'information
a élevé le commérage à la dignité de la culture »
Et
ma voisine disait : « Avec
tous ces commérages, je perds mon temps ! » Elle
avait raison.
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