Juin 2022
Coup de Cœur N° 122
Voiture électrique de
1897 à 2035 !!!
Actualité de juin 2022 : « A compter du 1er janvier 2035,
il sera interdit dans l’Union européenne de vendre des voitures thermiques
neuves. Un vote du Parlement Européen très symbolique, qui force un peu plus
les fabricants à basculer vers les véhicules électriques. Cela impliquera une
“réduction de 100% des émissions” de gaz à effet de serre, se félicite
l’institution, etc, etc … »
Remontons le temps et allons plus d'un
siècle en arrière, voici un extrait de la revue « La France
Pittoresque » ...
« « « En 1897, un
chroniqueur scientifique de la revue La
Science française, observant l’inquiétante prolifération annoncée des
véhicules à pétrole, bruyants et polluants, au sein de la capitale, rassure ses
lecteurs en leur présentant comme hautement improbable le fait de généraliser
ce moyen de transport, l’estimant d’ores et déjà supplanté par la très
prometteuse voiture électrique, dont l’essor inéluctable est à ses yeux
imminente. « Étonnamment », cet avènement n’aura pas lieu...
Plusieurs grands journaux quotidiens
de Paris nous ont annoncé, ces jours derniers, que la capitale allait enfin
être dotée de ces fameux fiacres automobiles dont il a été si souvent question
depuis plusieurs mois mais dont aucun spécimen n’a été mis jusqu’à ce jour en
service régulier à la disposition du public.
Ces mêmes journaux, prenant leurs
désirs pour des réalités, annoncent bravement que d’ici peu cinq cents fiacres
automobiles seront mis en circulation par les soins de la seule Compagnie
générale des Petites Voitures de Paris. Pour peu que d’autres Compagnies de
louage aient pris, toute proportion gardée, la même initiative, c’est au bas
mot plus d’un millier de sapins automobiles qui muteraient bientôt sur les boulevards.
Que le bon public se rassure, cet
événement ne se réalisera pas de sitôt. Pour une bonne raison d’abord, c’est
qu’en supposant qu’un type d’automobile ait été définitivement adopté et qu’on
pût réquisitionner tous les constructeurs d’automobiles de France, d’Angleterre
et d’Amérique pour le mettre sur roues, leur production totale ne fournirait
pas d’ici la fin de l’année 1897 les seuls cinq cents fiacres de la Compagnie
générale.
Il faut bien se figurer qu’on ne fait
pas des automobiles comme on fait des fusils, des montres, et des bicyclettes.
On monte et règle, toutes pièces réunies, une bicyclette en quelques
heures ; il faut plus d’une semaine pour obtenir ce résultat avec une
automobile. D’autre part, si les voitures à moteur à essence minérale font le
bonheur du touriste, et, par-ci par-là, celui des magasins de nouveautés, à qui
elles servent de réclame, plutôt qu’elles ne rendent réellement service à leurs
livraisons à domicile, il faut se pénétrer de cette idée que ces deux types de
véhicules ne seront tolérés dans les agglomérations que tant qu’ils seront à
l’état d’exception.
Quels qu’aient été les progrès de
toute sorte apportés ces temps derniers à la construction de ces automobiles,
celles-ci n’en ont pas moins l’inconvénient de faire du bruit et de dégager des
odeurs désagréables.
Le jour où des files de véhicules à
pétrole feraient la queue aux bifurcations des rues fréquentées, les terrasses
des cafés ne seraient plus habitables, les magasins fermeraient leurs portes et
les quartiers les plus commerçants de Paris, ceux qui font surtout vivre la
grande ville, seraient réduits à fermer boutique, aucune tête ne se montrerait
aux fenêtres, ce serait la grève générale des vendeurs, des consommateurs et
des locataires.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises,
la vapeur, jusqu’à nouvel ordre, convient seule aux gros transports, et encore,
en parlant des exploits automobiles de la vapeur, ne voyons-nous guère que
l’omnibus Weidknecht qui ait fait ses preuves. L’omnibus à pétrole du système
Cambier, que nous verrons au concours des gros poids en juillet prochain, lui
fera peut-être un heureux pendant. Mais ces types-là sont surtout destinés aux
grandes routes : ils ne feront qu’un court séjour dans les villes.
Les voitures électriques sont les seules
qui conviennent aux agglomérations populeuses. Celles-là ne dégageront ni
fumée, ni odeur, ne feront pas de bruit, s’arrêteront et repartiront sans que
le cocher soit tenu de descendre de son siège, et se ravitailleront aux sources
d’énergie disséminées à profusion dans tous les quartiers.
Or, il n’existe pas actuellement de
voiture électrique légère et économique, mûre pour le trafic des villes. Nous
en aurons quelques-unes cet été en essai à Paris, mais si elles donnent des
espérances, il n’est pas encore permis de leur prédire le succès à brève échéance.
Mais il faudra de longs mois avant que les constructeurs en aient mis des
centaines sur le pavé de Paris. M. Pierre Giffard pense qu’il faudra deux
ou trois années avant que les automobiles fassent couramment le service de
place. Nous ne sommes pas loin d’être de son avis.
Donc ce n’est pas au cours de l’an de
grâce 1897 que nous assisterons à cette débauche d’automobiles. Et c’est
vraiment fâcheux, car le fiacre électrique ferait le bonheur de tous les
Parisiens. Ils prendront moitié moins de place que les voitures à chevaux
portant le même nombre de personnes, ils iront plus vite, et évolueront plus
facilement : tout le monde y trouvera donc son compte, surtout le client,
qui fera davantage de chemin et paiera moitié moins cher l’heure, s’il faut en
croire les affirmations de M. Rixio, directeur de la Compagnie générale
des Petites Voitures.
Ces voitures seront sûrement montées
sur pneus : on se croira à Venise, dans les gondoles, tellement l’allure sera
douce. La transformation se fera sans douleur, deux ou trois journées
d’apprentissage suffisant pour transformer le cocher en excellent chauffeur. Le
cheval sera envoyé au vert ou à la boucherie, et le fiacre électrique roulera
silencieusement sur le pavé en bois qu’il brûlera sans y mettre le feu.
Restera le piéton, qui aura un nouvel
apprentissage à faire, car les tramways mécaniques d’une part, les cyclistes et
les automobiles de l’autre, tous filant à qui mieux mieux, lui laisseront
difficilement le passage au milieu de tous ces démons déchaînés. C’est là où le
bâton du sergent de ville sera d’une réelle utilité. Au besoin on électrisera
aussi l’un et l’autre, et il suffira au policeman d’étendre le bras pour
arrêter net l’élan des automobilistes lancés dans les passages
dangereux. » » »
Alors, 2035 ressemblera-t-elle à
1897 ? L'avenir très proche nous le dira ou pas !
Roland Bérenguier
Pierrevert – Juin 2022
|