COUP DE CŒUR N° 73 DE VICTOR BERENGUIER
Coup de coeur VICTOR BERENGUIER

16 NOVEMBRE 2017

RUBRIQUE ''COUPS DE CŒUR'' N° 73 DE VICTOR BÉRENGUIER

                                 Bittersweet

Mes chers lecteurs,

Ce titre, à priori, ne vous dit certainement rien si ce n'est qu'il s'agit d'un terme anglais, ce qui n'éclaire pas plus votre lanterne. C'est tout simplement le titre d'un roman écrit par un jeune auteur et dont le contenu m'a interpellé à plusieurs égards au point que j'ai éprouvé l'envie de vous le présenter car, à mon point de vue, pour un coup d'essai, c'est un coup de maître. Sans vous faire plus attendre, je vous livre des extraits de nombreux passages en commençant par la quatrième de couverture :

« Marc, adolescent à la sensibilité et l'imagination débordantes, subit de plein front le cancer de Lucie, sa petite sœur de huit ans.

Alors que les aller-retours à l'hôpital se font plus fréquents, il dérive progressivement dans l'onirique afin d'oublier la réalité du quotidien...

Trouvera-t-il dans ses rêves une explication à la vanité du mal ? »

Dès la page 5, l'auteur donne déjà le ton du roman et nous accroche par le suspense avec cette dédicace :

« À cette histoire, qui fut écrite à l'encre de mes larmes.

Aux larmes, qui permettent aux lumières d'étinceler.

Aux étincelles, qui recréent indéfiniment la vie.

À la vie, qui fait naître les histoires. »

 

Le livre est écrit à la première personne, dans un style que l’on pourrait presque croire négligé, mais qui se révèle être un procédé efficace pour faire transparaître l’immense humanité du personnage principal. Ainsi, bien que des expressions crues reviennent de façon récurrente dans la forme du roman, ce n’est que pour faire ressortir la poésie qui en tapisse le fond. Cette opposition latente fait aussi écho à l’histoire elle-même, les thèmes abordés y étant assez durs, mais toujours traités avec humour et tendresse. Ci-après, voici quelques morceaux choisis de cette œuvre un peu singulière :

 

« Elle s’est couchée dans la neige à côté de moi et j’ai vu qu’elle avait presque plus de cheveux. Je m’y attendais tellement pas que mon cœur a fait semblant de s’arrêter. Je me suis redressé d’un coup. Pouah, tous ses cheveux s’étaient déposés en un cercle jaune brillant autour de nous. Et elle au milieu, avec sa doudoune rose, ça faisait comme une fleur. Avec une corolle blonde. Merde, c’était super beau. »

 

« Il commençait à faire bien nuit, et y’avait quelques flocons qui tombaient. C’était marrant parce que c’était beau et chiant à la fois, un peu comme les musées. »

 

« J’en croyais pas mes yeux. Au lieu du couloir et de la moquette, y’avait une colline interminable, pleine d’herbe toute bleue. Le ciel était immense et blanc, avec des petites étoiles noires qui clignotaient. La petite était en train de dévaler la pente en se marrant. Elle a crié : « Attrape-moi, Marc ! », et moi, j’étais tellement content de la voir comme ça que je l’ai poursuivie. Je lui ai saisi le bras et on a fait des roulades dans les grandes herbes. Elle riait tellement fort que y’avait des larmes à ses yeux, et moi, c’était con, mais je riais aussi, parce qu’elle riait. »

Après nous avoir fait pénétrer dans son univers romanesque, l'auteur* nous fait découvrir, dans son enrichissante postface, ''l'envers du décor'', si je puis m'exprimer ainsi car ce qu'il nous révèle n'est pas sans nous interpeller et nous faire réfléchir sur les aléas de la vie et sur notre existence dans ce bas monde. En voici quelques extraits :

« À l'heure où j'écris ces lignes, alors que les relectures du manuscrit de Bittersweet viennent de se terminer, j'ai parfois l'impression de me sentir aussi perdu que le personnage de Marc. J'imagine que c'est cela, cette désorientation mêlée de désespoir, qui, pour le meilleur et pour le pire, m'a inspiré dans la rédaction de ce roman un peu spécial. Le fait est que je connais peu de personnes de mon âge -vingt-trois ans- qui s'interrogent au quotidien sur le sens de la souffrance et la valeur des jours qu'ils vivent. Je n'en tire aucune fierté, aucune prétention. Bien au contraire, si le choix m'avait été donné, mille fois j'aurais choisi de ne jamais tomber malade. [...]

Sans l'intuition de ma propre mère qui m'a mis sur la piste de Lyme, et sans ma persévérance qui m'a poussé à compulser l'intégralité de la littérature scientifique sur la question, je ne sais honnêtement pas si j'aurais choisi de continuer de vivre aujourd'hui. […]

J'ai finalement contacté une association de malades de la maladie de Lyme**, qui m'a orienté vers un spécialiste qui a enfin confirmé le diagnostic de ma maladie. »

Un ouvrage qui peut redonner du courage à nombre de patients accablés par le sort auquel ils sont voués et, à l'instar du livre ''La consolation'' de Flavie Flament, - qui elle aussi a été ''fauchée'' mais d'une autre façon (un viol à 13 ans) - qui a fait l'objet d'un téléfilm diffusé sur FR3,''Bittersweet'' mériterait la même attention.

 

*Né en 1992 à Pertuis, Colas Droin a fait des études d’ingénieur à l’INSA de Lyon. Après l’obtention d’un master recherche à l’ENS de Lyon, il prépare actuellement une thèse de doctorat en biologie computationnelle à l’EPF de Lausanne. En 2013, il contracte la borréliose de Lyme. Non diagnostiqué pendant un an, cela l’amènera à côtoyer les milieux hospitaliers à plusieurs reprises. Trois ans plus tard, il écrit Bittersweet en hommage à son histoire et celle des malades qu’il a rencontrés.

**http://www.associationlymesansfrontieres.com/

                                                                                     Victor Bérenguier   

                                               


 
Volonne NOVEMBRE 2017 - Victor Bérenguier [ victor.berenguier@wanadoo.fr ]




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