RUBRIQUE COUPS DE CŒUR N° 68  DE VICTOR BÉRENGUIER

                                L'HOMME QUI CULTIVAIT SES LÉGUMES SANS EAU

Pour cette nouvelle rubrique nous avons choisi de vous présenter des extraits d'un article d'Ines Benkhichan paru dans le N° 33 de la revue mensuelle ''Plantes et Bien-Être'' du mois de février 2017 qui a retenu notre attention et qui vous intéressera certainement:   

        « Depuis une quinzaine d'années, un agriculteur biologique fait s'arracher les cheveux des spécialistes en agronomie. Son nom: Pascal Poot. Dans le département de l'Héraut où il vit, il tord le cou au catastrophisme météorologique ambiant en cultivant ses légumes sans eau ni pesticides avec, comme résultat, une production spectaculaire.[...]

        Pascal Poot, qui n'a jamais suivi de formation en agronomie, cultive depuis 15 ans tomates, courgettes, potirons, piments et aubergines, non seulement en bannissant l'uilisation de pesticides – a priori, rien de révolutionnaire dans le monde du bio  - mais, surtout, en refusant de soigner et d'arroser ses plantations. Notons que la propriété de Pascal, nommée Le Potager de Santé*, se trouve sur les hauteurs de Lodève dans le département très ensoleillé de l'Héraut, sur des terres très arides et difficiles à irriguer. Le but de la manœuvre:« faire en sorte que les plantes résistent par elles-mêmes». En somme qu'elles n'aient besoin d'aucun adjuvant extérieur. […]

        « Le principe, c'est de ne surtout pas soigner les plantes pour qu'elles apprennent à résister aux maladies, à la sécheresse » explique Pascal Poot. Les graines, si elles ne sont pas affaiblies par une multitude de soins superflus, sont capables de résister aux pires conditions météorologiques. […] Il arrive bien à Pascal d'arroser de temps en temps ses sols mais surtout pas quotidiennement: « si l'on arrose trop souvent les plantes, on les rend paresseuses, elles ne font des racines qu'à l'endroit où l'on arrose et si on part une semaine, on les retrouve mortes. » Cette méthode lui a permis de produire des légumes en abondance chaque année. Pourtant, les récoltes n'ont pas été d'emblée aussi mirobolantes. Pascal a commencé par sélectiooner des variétés de légumes anciennes et résistantes dont les graines n'avaient pas été hybridées par des laboratoires d'agro-alimentaire. La première année, les légumes récoltés se sont révélés minuscules et faiblards. Mais partant du principe que tout vient à qui sait attendre, Pascal ne s'est  pas démonté et a replanté les semences l'année suivante avec un résultat beaucoup plus satisfaisant.

Il a réitéré l'opération et a obtenu au bout de cinq ans de magnifiques légumes. […]

       Le Potager de Santé attire chaque année de nombreuses personnes. Si Pascal a cessé de commercialiser ses légumes, se concentrant sur la vente des semences, agriculteurs et néophites de passage viennent régulièrement goûter ces végétaux providentiels et acheter les précieuses graines.

Ils viennent également écouter Pascal. Car sa parole rivalise d'importance avec sa production légumineuse. La démarche de ce résistant en bottes de caoutchouc dépasse en effet le bon sens paysan: elle est phylosophique et politique. Le choix des semences paysannes par exemple n'est pas sans rappeler le combat de l'altermondialiste indienne Vandana Shiva ** qui s'était opposée avec force  au monopole de Monsanto. Pour rappel, Monsanto, premier fournisseur mondial de semences génétiquement modifiées, distribuait aux agriculteurs indiens des semences transformées et stériles, ce qui avait entraîné la faillite de nombreux cultivateurs ainsi qu'une importante vague de suicides.Vandana avait alors commencé à produire ses propres semences pour les distribuer gratuitement aux paysans et leur permettre de s'émanciper du joug mortifère de la multinationale.[...]

          La production de Pascal Poot est importante et sa méthode, appliquée ailleurs dans le monde pourrait être un pas de géant vers l'autonomie alimentaire. Pascal explique: «si l'on utilise les graines adaptées, on produit plus que ce qui se fait en agriculture traditionnelle.» La prouction de Pascal s'élève en effet de 15 à 24 kg par mètre carré contre 5 à 10,5 Kg seulement pour l'agriculture conventionnelle. […]

                Voilà qui contredit grandement les discours récurrents selon lesquels on ne pourrait pas nourrir l'intégralité de la planète avec l'agriculture biologique. […]

          Pascal  Poot souligne que les mêmes  firmes qui ont développé les produits phytosanitaires, lesquels affaiblissent les plantes en prétendant les soigner, sont aussi celles qui ont développé les médicamments actuels, disponibles dans toutes les pharmacies. Cela donne à réfléchir. Allons même plus loin... Le corps humain, comme les plantes, n'est-il pas affaibli  par tous les soins inutiles qu'on lui prodigue? Enfin, n'aurions-nous pas intérêt à appliquer la méthode Poot dans le domaine de la santé humaine?»

*   ''Le Potager de Santé '' à Lodève (34700). Tél.: 09 52 86 87 59

** Vandana Shiva est une écrivaine et militante écologiste indienne. Elle dirige la Fondation de la recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles. Elle recut le Prix Nobel alternatif en 1993.