Novembre 2019
Coup
de Coeur N° 95
Tuitui,
l'hirondelle
Voici
l'histoire vraie d'une hirondelle sauvée d'une mort certaine,
racontée par Annie, aidée par son mari Michel, un couple de
Marseille. Après ce récit, je joins le constat fait par la Ligue
pour la Protection des Oiseaux sur l'hirondelle.
Écoutons
d'abord Annie nous narrer cette aventure :
TUITUI,
l’hirondelle
« « Cet
été 2019, nous avons vécu une aventure extraordinaire en compagnie
d’une hirondelle recueillie dans le Queyras ; nous l’avons
appelée « Tuitui » et avons partagé avec elle nos
vacances et l’avons gardée pendant 6 semaines.
Son
habitat a été détruit probablement volontairement ; tous les
hirondeaux frères et sœurs sont morts dans leur chute de plus de 3
mètres sauf Tuitui.
L’aventure
va démarrer le 25 Juillet lorsque je l’ai découverte ; bien
entendu elle n’était pas sevrée, elle n’avait alors qu’une
dizaine de jours.
Impossible
de la confier au Crsfs (Centre Régional de Sauvegarde de la faune
Sauvage) de Buoux 84 ; Il a été fermé pendant plusieurs
semaines faute de subventions.
La
ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Briançon m’a
guidée : on a confectionné un carton, on y a placé quelques
brindilles duvet et plumes de ses parents trouvés parterre à côté
des hirondeaux morts et des nids détruits ; Tuitui y a trouvé
sa place comme dans son nid et pour la nourrir : croquettes
chats bien humectées (pas au poisson), jaune d’œuf, vers de
farine.
Et
notre belle aventure va démarrer.
Elle
a eu une rage de vivre hors du commun, pas farouche, un très grand
appétit qui l’a d’ailleurs sauvée.
Le
3 Août nous sommes partis en vacances dans le Cantal et Tuitui dans
son carton a fait partie du voyage.
En
cours de ce trajet à l’aller comme au retour (7 heures de
voiture !!) Tuitui gazouillait ; le bruit du moteur devait
la stimuler !! Les hirondelles sont des oiseaux qui s’expriment
bruyamment.
Tuitui
avait aussi son pique-nique dans une petite glacière et fréquemment
en cours de route, elle venait dans ma main ; à plusieurs
reprises un peu de pâtée du bout des doigts, quelques gouttes d’eau
aux commissures du bec pour l’hydrater ; ensuite elle
s’endormait ; je la replaçais dans son carton.
Dans
le Cantal, en complément de sa nourriture, on attrapait des
mouches !! (il y en avait beaucoup , nous étions à la
campagne). Tuitui les gobait avec délectation !! Elle aurait
bien aimé les attraper mais elle avait mu et donc impossible de
voler …
Toujours
dans un carton mais plus grand, elle a partagé des moments avec nous
dans le jardin : elle entendait le chant des oiseaux et y
répondait par « tsitu »… chant typique des
hirondelles.
Pour
le retour, des amis lui ont offert une jolie corbeille de transport
que j’ai placée à l’arrière de la voiture entre les 2 sièges
avant. Tuitui était heureuse d’être avec nous et a profité du
trajet avec beaucoup d’intérêt en regardant devant elle la route,
à droite et à gauche ; quelle intelligence !!
A
notre retour, nous lui avons acheté un grand garde-manger que
nous avons placé dans le cellier pour qu’elle soit au calme avec
vue imprenable sur le jardin où elle pouvait aussi entendre le chant
des oiseaux.
Tuitui
avait tout compris depuis le début de sa captivité. Elle savait que
son intérêt était de bien se nourrir.
Lorsque
je m’approchais du garde-manger, elle savait que c’était l’heure
du nourrissage.
Elle
se plaçait devant la porte ; elle avait compris le sens
d’ouverture de la porte ; elle ne se trompait pas et hop
elle sautait dans ma main !!
Elle
participait à la préparation du repas avec beaucoup d’intérêt ;
elle regardait les vers de farine s’agiter dans la boîte. Quelques
vers trempés dans l’eau (sa seule nourriture au bout de quelques
semaines), elle émettait des petits bruits de contentement ;
les oiseaux ont une ouïe et une vue extraordinaires.
Elle
était bien dans le creux de ma main ; fermait les paupières
elle était rassasiée.
Le
nourrissage avait lieu toutes les heures environ sauf la nuit ;
elle dormait de 20 heures à 7h.
Elle
connaissait son nom ; lorsque je l’appelais elle me répondait
en s’agitant, battait des ailes en émettant des « tsitu »
… ainsi nous bavardions !! elle avait une joie de vivre
incroyable.
Tout
au long de sa captivité en attendant qu’elle puisse voler (nous
avions l’intention de la ramener dans le Queyras, là où elle est
née car les hirondelles de retour de leur migration reviennent là
où elles sont nées), j’étais inquiète car la repousse des
plumes prend du temps, entre un à deux mois et je craignais qu’elle
ne puisse pas migrer cette année ; cela aurait été terrible
pour un oiseau migrateur que ce cycle soit perturbé. Alors
qu’allait-elle devenir ?
Pour
prendre conseil, nous avons attendu le retour de vacances d’un
vétérinaire spécialiste de la faune sauvage à Marseille.
Nous
y sommes allés le 4 Septembre avec Tuitui dans son panier de
transport. Dans la salle d’attente elle chantait à tue-tête ;
incroyable !!
Le
vétérinaire nous a conseillé de la confier au Centre Régional de
la Sauvegarde de la Faune Sauvage de Buoux qui venait de rouvrir ;
il nous a confirmé que ses plumes allaient bien repousser.
L’idée
de la séparation était très difficile, mais l’intérêt de
Tuitui passait avant tout sentiment quel qu’il soit.
Un
vrai crève-cœur quand nous l’avons laissée ; un grand vide
…
J’aurais
tant aimé la relâcher dans le Queyras (où il y a des colonies
importantes d’hirondelles de fenêtre) pour qu’elle puisse migrer
avec ses congénères.
Même
maintenant lorsque j’entends des oiseaux, j’ai l’impression de
l’entendre …
Grâce
aux très bons soins du Centre de Buoux qui ont donné des vitamines
à Tuitui, ses plumes (rectrices de la queue et rémiges grandes
plumes des ailes) ont repoussé plus vite que prévu.
Bien
entendu, je prenais régulièrement des nouvelles de Tuitui.
Elle
a pu prendre son envol le 3 Octobre avec une autre hirondelle qui
était au centre en même temps qu’elle.
Toute
les deux ont entamé leur migration et vont parcourir des milliers de
kilomètres.
J’en
ai été émue aux larmes de joie bien sûr de savoir que Tuitui
était enfin libre ; une vraie vie d’hirondelle s’offrait à
elle après plusieurs semaines de captivité qui lui a été
bénéfique ; le sauvetage a réussi à 100%.
Impossible
de savoir si Tuitui était une femelle ou un mâle car il n’y a pas
de grand dimorphisme sexuel chez les hirondelles.
Personne
ne peut imaginer qu’un si petit oiseau au plumage magnifique ne
pesant adulte que 20 gr environ puisse être doté d’une aussi
grande intelligence, d’une gaîté incroyable avec ses gazouillis
typiques on avait l’impression qu’elle nous parlait !!
Quelle
belle aventure !!
Je
garderais de ma Tuitui un souvenir inoubliable.
Encore
un très grand merci à tous les bénévoles du Crsfs de Buoux qui
font grâce à leur entier dévouement pour la faune sauvage un
travail absolument admirable.
Je
leur en suis très reconnaissante. » »
La
Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) alerte depuis de
nombreuses années sur la diminution d'oiseaux, et notamment de
l'hirondelle.
Ci-dessous
un extrait du constat de la LPO :
« « Soumises
à diverses menaces, les hirondelles voient leur population diminuer
de façon inquiétante.
Faisant
partie des oiseaux migrateurs, l’hirondelle passe l’hiver sous
des latitudes plus clémentes et entreprend son grand retour en
Europe durant la seconde moitié du mois de mars.
Cette
annonciatrice des beaux jours est capable de parcourir près de 6 000
kilomètres pour venir se reproduire en France ! Cinq espèces
d'hirondelles sont présentes durant cette période de mars à fin
mai : l’Hirondelle de rocher, l’Hirondelle rustique,
l’Hirondelle de fenêtre, l’Hirondelle de rivage et l’Hirondelle
rousseline. Celles que vous reconnaîtrez les plus souvent sont
l’Hirondelle rustique et l’Hirondelle de fenêtre, à ne
pas confondre avec le Martinet noir,
un peu plus grand et entièrement noir.
On
constate, depuis le suivi régulier des populations d’hirondelles
du territoire, un effondrement
similaire à
celui
des oiseaux des champs.
Les populations d’Hirondelles de fenêtre et d’Hirondelles
rustiques ont chuté de 30 à 40% durant ces trente dernières
années.
Les
causes ? Avant tout, l’usage intensif de pesticides
(les hirondelles sont insectivores) et la perte de sites
de nidification,
due à l’absence d’anfractuosité dans les bâtiments (neufs
comme anciens) et aux destructions
des nids (les
hirondelles réutilisent les nids d’une année sur l’autre). Le
remembrement
a aussi un impact négatif : supprimant haies et roselières, il
détruit des zones riches en insectes et prive les hirondelles de la
possibilité de venir boire dans les roselières. Saviez-vous qu’une
seule hirondelle peut manger jusqu’à 3 000 moustiques par
jour ?
Heureusement
la LPO n’a pas attendu pour mieux connaître les causes de leur
disparition et proposer des solutions concrètes afin de leur venir
en aide. Poser des nichoirs artificiels, accompagner les entreprises
du bâtiment, installer des planchettes sous le nid pour éviter les
salissures… sont autant d’actions testées localement favorisant
le retour des hirondelles. Nous refusons d’imaginer que
l’hirondelle ne puisse plus faire le printemps en France. » »
Annie
et Michel ont sauvé une hirondelle. Peut-être reverront-ils Tuitui
dans son Queyras natal, ne dit-on pas que les animaux ont de la
mémoire ?
Roland
Bérenguier
Pierrevert
– Novembre 2019
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