16 AVRIL 2017
Ce
mois-ci, mon coup de cœur se penchera sur un livre méconnu écrit
par Hubert Delobette en 2007 aux éditions « Le Papillon
Rouge » et qui a pour titre « Le Petit Bâti »
Journaliste
languedocien, ancien rédacteur en chef de la revue "
patrimoines en région ", Hubert Delobette est l'auteur d'une
dizaine d'essais et de romans. Après une longue enquête aux quatre
coins du sud de la France, il nous plonge dans une passionnante
histoire du petit bâti des campagnes.
Inédit
et passionnant, ce livre pénètre dans toutes les petites
constructions bâties qui parsèment les campagnes de la moitié Sud
de la France. Il explique leur histoire, leur origine ; décrit leur
fonctionnement, leur fabrication. D'où viennent ces milliers de
calvaires dressés au bord des chemins, comment bâtissait-on tous
ces puits qui sortent de terre, pourquoi tant de murs et de cabanes
en pierre sèche le long des champs ? Cet ouvrage trace en même
temps des aventures formidables : la domestication du vent par des
moulins, de modestes éoliennes ; la capture de l'eau par de petits
canaux d'irrigation, des citernes, des abreuvoirs ; la conquête du
feu par les fours à chaux, à pain ou les charbonnières... Des
lavoirs aux clochers de tourmente en passant par les tours à signaux
ou les télégraphes de Chappe, excellente découverte d'un
patrimoine méconnu mais ô combien riche et enthousiasmant !
Voici
un extrait qui donne envie de lire cet ouvrage, et lors de randonnées
ou promenades, on ne regardera plus les murs et les petites
constructions de la même façon :
« « Quoi
de plus banal qu'un mur de pierres ? Quoi de plus habituel à notre
regard que ces labyrinthes blancs ou gris qui serpentent dans nos
paysages ? Et pourtant ! Derrière ces modestes ouvrages se cachent
une histoire, un labeur, un savoir-faire qui méritent l'admiration.
Ces murs sont issus de terres qui ont été défrichées pour être
cultivables. Pendant des siècles, les paysans extirpent du sol les
pierres que le soc de l'araire, la pioche, soulèvent. Ils les
mettent ensuite en tas sur le bord de leur champs, en des monticules
appelés pierriers ou clapiers. Au cours de l'histoire cet épierrage
devient de plus en plus important pour diverses raisons. Avec
l'amélioration de la mécanique agricole, les labours plus profonds
entraînent une augmentation du nombre de pierres remontées. Il faut
y ajouter l'apparition de la dynamite qui sert à déloger les
rochers les plus récalcitrants. De même, la croissance
démographique du pays encourage la mise en culture des terres de
plus en plus nombreuses. Tous ces tas de pierres en bordure des
parcelles seront la matière première de ces innombrables murs,
patiemment dressés de génération en génération. Ils vont
connaître divers usages évoluant au fil du temps. Ces murs vont
avoir une fonction de protection : brise-vent ou brise-avalanche en
montagne, préservation des cultures de l'intrusion des animaux. Ces
murs ont aussi un rôle de lutte contre l'érosion, servant à
terrasser, à soutenir des terres cultivables sur des coteaux. Ils
ont aussi une fonction de délimitation, clôturant les parcelles de
vignes, les jardins, les pâturages... Ce rôle sera très important
après la Révolution lorsque les paysans peuvent enfin accéder à
la propriété. Ils servent aussi d'enceinte à une maison, à une
propriété. Enfin, ils dessinent, ils accompagnent les routes
et les chemins. Mais cependant, monter un mur ne s'improvise
pas. Cela nécessite une bonne technique et un coup de main habile.
Cette construction dite "en pierre sèche" consiste à
ajuster des pierres sans liant ou mortier. L'eau n'est pas
nécessaire, d'où le nom de pierre sèche. Ce travail relève du
puzzle : trouver la bonne pierre, la positionner, l'emboîter de
manière précise entre les autres, sans trou, ni jeu... Dans cette
opération de patience et de régularité, le paysan s'aide d'un
cordeau, de fil à plomb, d'une règle pour vérifier la verticalité
et l'alignement du mur, d'une massette pour caler les pierres, et
d'un burin pour en tailler certaines... Tous ces murs anciens sont
généralement assez épais (de 0,50 à 1 m de large). Un bon
murailleur en bâtit 2 à 3 m3 par jour environ. Quelquesfois, il se
permet des fantaisies : niches dans un muret, porte basse pour le
passage du gibier, escalier volant pour le traverser. Ce dernier, que
l'on retrouve fréquemment dans les terrasses de culture, est formé
de pierres longues et fines encastrées dans le mur. Au cours des
siècles passés, ces murets sont entretenus par les travailleurs des
champs. Chaque jour, ils entassent les pierres. Mais le temps viendra
où ils seront moins nombreux et plus occupés à leurs cultures
qu'aux murs qui les bordent.
Sous les
assauts de la pluie, du vent, de la végération, des terrains qui
bougent, les murets vont peu à peu se lézarder, s'affaisser,
s'écrouler. Le résultat est dommageable car cette trame minérale
structure et valorise le paysage, maintient le patrimoine rural.
Quelquefois, ces murs sont carrément pillés pour leurs pierres et
remplacés par du parpaing. (Moi je dis simplement pillés tout
court, au revoir et merci, nous en avons l'exemple à notre oliveraie
à Trans). Là, on touche à leur rôle écologique trop souvent
ignoré : les vieux murs de pierres sèches servent de refuge à une
faune et une flore variées. La mésange bleue, le lézard des
murailles, la couleuvre, l'escargot petit-gris... s'y cachent dans la
moindre fente. Les fougères, mousses, lichens colonisent aussi ces
espaces de vie. Fort heureusement, ces murets ont leurs ardents
défenseurs. De courageuses associations, des particuliers
volontaires restaurent ce patrimoine, organisent des stages qui font
découvrir les techniques et le savoir-faire liés à la pierre
sèche. Celle qui fut autrefois un obstacle au soc de la charrue
peut-elle se révéler aujourd'hui un atout dans nos paysages qui se
dégradent ? » »
Source
: D'après "Le petit bâti" - Edouard Delobette - Le
papillon rouge éditeur.
Roland Bérenguier - Pierrevert – AVRIL 2017 - roland.maison@orange.fr
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