CHRONIQUE LITTÉRAIRE N°122: LA BONNE ÉTAPE JANY GLEIZE
En guise de mise en bouche, agrémenté
de nombreuses photographies de Delphine Amar-Constantini et d'attrayantes
illustrations de Liliane Guiomar, cet ouvrage n'est pas qu'un simple livre de
pas moins d'une cinquantaine de recettes culinaires car l'auteur, Jany Gleize,
est un chef réputé dans l'art de
la gastronomie. C'est aussi
''l'histoire'' de cette auberge
renommée. En effet: « La Bonne Étape, étoilée Michelin depuis 1964 vous
propose une haute cuisine en Haute Provence » et, comme l'auteur se plaît à
le dire: « Ici la vedette c'est le client, c'est vous, comme tous ceux qui
nous ont confié leur bonheur le temps d'un séjour: Gérard Depardieu, Henri
Salvador, Georges Lautner, Jean-Jacques Goldman, Georges Clooney, Barbara
Hendricks, Pierre Perret, Patrick Bruel ...». ''Cerise sur le gâteau'', c'est aussi l'histoire des quatre générations
qui sont le ciment de La Bonne Étape et dont
Jany Gleize nous révèle non sans fierté le parcours de chacun de ses
membres.
Dès l'introduction,
en citant une phrase de ce chantre de la Provence que fut Jean Giono, l'auteur
annonce la couleur: « … Un pays vaut
surtout par les joies qu'il procure à
ses habitants et à ceux qui le visitent. La gastronomie représente un pays au
même titre que les autres arts: littérature, musique, danse et même histoire.
En effet, cet art gastronomique se sert, et dans leur qualité la plus
excellente, des produits de consommation alimentaire provenant du sol même de
ce pays. Il les accommode suivant des procédés qui sortent d'une longue
expérience et d'une infinie sagesse.»
Sans plus attendre, il
enchaîne, non sans malice et avec un brin d'humour:
«En guise d'apéritif
Avec un clin d'œil en
amuse-bouche, avalez ce petit conseil, qui ne vous fera pas un gros estomac!
Sans vivre sur cette terre de Provence, sachez au moins devenir ou rester
fidèle à son esprit, et courant le risque de vous voir ici abandonner cette
saine lecture, nous vous livrons dès les premières pages la meilleure recette
de ce livre. La voici: pour bien réussir tous vos plats, toutes vos sauces, il
vous faut:
-
une pincée de bon sens paysan
-
un éclat de rire d'enfant
-
et un cœur gros comme ça
Voilà. »[...]
« N'oubliez pas, lorsque vous cuisinez, de suivre les conseils
que vous donne un livre, un ami, mais surtout, regardez vos produits,
écoutez-les, ce sont eux vos meilleurs conseillers et le bon sens, je le
répète, ne doit jamais vous quitter.
En exagérant un petit peu ( nous sommes dans le Midi), et en
voulant enfoncer le clou, une autre façon de prodiguer ce conseil:
« NE SUIVEZ PAS CES
RECETTES À LA LETTRE,
VOUS
COUREZ DROIT À LA CATASTROPHE! »
Après l'introduction dont nous vous avons présenté quelques
extraits, voici quelques passages du chapitre intitulé ''La
Maison Gleize'', concernant les quatre générations dont il a été question plus
haut. Au tout début, en exergue, cette
phrase, signée François Périer, extraite
du livre d'or:
«Si
Napoléon s'était arrêté à La Bonne Étape
il y serait
resté et aurait évité Waterloo.»
Tout un symbole!... Ceux qui s'y sont arrêtés sont les
arrière-grands-parents de la maman de l'auteur;
il nous explique la suite:
« Agriculteurs,
puis travaillant dans ce relais de la Poste qu'ils rachetèrent (l'Hôtel
Perrimond), ils élevaient les cochons, ils faisaient le pain avec le blé qu'ils
avaient moissonné, le vin servi aux voyageurs venait des vignes des coteaux
jarlandins, et l'huile des olives qu'ils menaient au moulin après la cueillette.
Mes grands-parents
donc, parents d'Arlette Gleize ma digne mère, sont Gabrielle et Jean Rey.
Jean fut agriculteur, laitier, maire du pays, aubergiste, père et grand-père.
Gabrielle sut faire des plats «de ménage» aux racines profondément plongées
dans le sol du pays: l'aïoli, les pieds et paquets, la soupe de courge et le
gratin de morue, plat revenus à la première page du Goût du Jour, juste retour
des choses.
Pierre Gleize, mon
père était destiné à être notaire comme la plupart de ses aïeux. Après avoir
passé le baccalauréat, il se décida à prendre un autre chemin, il devint
confiseur au grand dam de sa famille.
Le seul heureux fut son père Paul qui,
pâtissier avant la Grande Guerre dans les palaces de l'époque, ne lui en voulut
pas, bien au contraire. Il apprit la confiserie à Apt, puis la pâtisserie à
Nice et la cuisine.
Un jour qu'il
remontait vers sa Drôme natale, arrivé à
Château-Arnoux, sa moto ne voulut plus avancer. Obligé de coucher là, il connut
Arlette, fille de Jean et Gabrielle, et de leur union naquit Jany. De cette
aventure, l'hôtel fut baptisé « La Bonne
Étape », qui fut la sienne d'abord. Durant toutes ces années, chaque génération
n'eut de cesse d'accomplir plus que la précédente.»
Le
troisième chapitre:
Le
chef,
ses
inspirations et la relève
Le Chef c'est Jany
Gleize, de la troisième génération, actuellement à la tête de La Bonne Étape.
Il ''s'ouvre'' au lecteur, en décrivant
son propre parcours: son brillant cursus scolaire suivi, après le baccalauréat
réussi avec mention, de son apprentissage chez les meilleurs artistes
cuisiniers de la région PACA, puis dans d'autres régions de France avant de
faire comme il le dit: « Un petit tour en Angleterre au Connaught de
Londres, du côté salle où j'ai amélioré mon anglais et tâté du service de
tranche en queue-de-pie. Et puis retour à la maison, en 1981.»
Dans ce qu'on peut
considérer comme une modeste autobiographie, l'auteur capte notre attention par
son style empreint de lyrisme lorsqu'il nous parle avec amour du lieu où il
vit, de sa passion pour son métier mais encore de sa réussite professionnelle,
des émissions de télévision auxquelles il a participé ou encore de sa fille Jane, quatrième
génération, destinée à prendre la relève à son tour, comme tout cela ressort
dans ces quelques extraits:
« Je vis en Haute
Provence, avec les oliviers, le thym, le romarin, tout ce qui nous chatouille les
narines, avec le soleil qui toujours nous caresse la peau, avec la musique du mistral, des
cigales, qui fait danser les cyprès, les oliviers, la vigne.
Tout ce que donne la
nature se retrouve à la table provençale...[...] Un peu comme une abeille, ici vous
butinez des plaisirs qui partout vous sont donnés.
Un repas en Provence
est une part de ce gâteau qui tous les jours se partage, gâteau riche d'odeurs,
de couleurs, de saveurs, nées du soleil et de la garrigue, du vent et de la
précieuse eau qui coule de ses terres. Aussi lorsqu'on s'assoit pour manger en
Provence, le sourire ( miroir de tous ces paysages) ornant chaque visage,
espère-t-on trouver l'écho de cette ambiance qui vous enveloppe... […]
On dit bien
soigner quelqu'un en voulant bien l'accueillir, le combler de joie. Ce mot «
soigner» est important et juste: c'est de la médecine préventive et tellement
plus agréable que celle dispensée à
l'hôpital.[...]
Ma cuisine doit être
parfumée: après une promenade dans la garrigue, quoi de plus fade qu'un poulet
à la crème, aussi bon fut-il? Le poulet ici réclamera du citron, du thym, de
l'ail en chemise. Là aussi, cette imposition de saveurs marquées est on ne peut
plus naturelle.
Je suis fier d'être
Maître Cuisinier de France, heureux d'avoir participé à la finale d'un des
Meilleurs Ouvriers de France, formatrice et instructive aventure.
Au fil des ans, j'ai
participé à quelques émissions de
télévision... (qui sont citées avec les
noms des partenaires avec lesquels il a travaillé). [...]
Je suis allé porter l'esprit de Haute-Provence autour de la
planète: des États-Unis à l'Australie.
Et puis je continue à
m'amuser à cuisiner, ici comme ailleurs.[...]
Une excellente
surprise... : j'avais expliqué à ma fille Jane que je mettrais tout en œuvre
pour lui faciliter le chemin si elle choisissait cette voie de la cuisine et de
l'hospitalité.[...] Elle me voyait, elle partageait ces bonheurs et ses
exigences qui sont indissociables.
Elle a choisi la cuisine qui la passionne,
effectué deux stages chez Eric Sapet de la Petite Maison à Cucuron, grand
cuisinier qui réalise une cuisine à se lécher les babines[...] puis avec mon ami
Christophe Cussac, fidèle compagnon de Joël Robuchon, qui est en charge du
restaurant du Métropole à Monaco, puis chez Dominique Loiseau, remarquable chef
d'entreprise qui a su perpétuer l'esprit de son mari trop tôt disparu et faire
prospérer ses établissements. Un stage ensuite en Angleterre pour apprendre à
parler ''de la main gauche''»
Ces révélations laissent
augurer encore de nombreuses belles
années pour ''La Bonne Étape'' qui a, en réserve, bien d'autres ressources
comme dans ce jardin biologique
-(6000 mètres carrés en potagers avec une multitude de plantes aromatiques et
autres surprises pour les personnes qui le découvrent lors de stages animés par Jany Gleize …)
-, crée par Jean Rey, où la biodiversité
est de règle. C'est là que Jany, avec la
maîtrise de cette alchimie subtile de l'art gastronomique dont il connaît bien
des secrets, puise en priorité les
légumes fraîchement cueillis qu'il se
fait un plaisir d'accommoder pour satisfaire les palais les plus délicats des
clients de La Bonne Étape et du Goût du
Jour, le restaurant du rez-de-chaussée.
Les goûts étant le
propre de chacun, nous laisserons donc au lecteur ou lectrice le soin de
choisir la ou les recettes qu'il ou qu'elle jugera bon d'expérimenter pour
régaler ses invités.
Bon appétit!
BIOGRAPHIE
Jany Gleize est né le
14 février 1957 à Château-Arnoux. Dès l'âge de 10 ans il a passé la majeure
partie de ses vacances dans les cuisines
de la Bonne Étape où son père était chef. Après avoir passé en juin 1974
son baccalauréat avec mention à Avignon,
de juillet 1974 à la fin1975 ce sont les débuts dans la cuisine de la
Bonne Auberge à Antibes dirigée par Jo Rostang. De 1976 à 1979, il continue de parfaire sa formation en passant tour à tour dans des
maisons aux chefs réputés: Pierre et Jean Troisgros en 1976; 1977 et 1978, avec
Alain Chapel à Mionnay, un véritable artiste. 1979, avec Michel Guerard, le
pape de la cuisine minceur. Dans toutes ces maisons, il a eu la confiance des
chefs lui qui l'ont fait évoluer dans les différentes parties du métier pour
réussir pleinement dans l'art de la gastronomie (poisson viande, garde-manger,
entremets, pâtisserie).En 1980, six mois passés au Connaught à Londres, en tant
que serveur. 1981 c'est le retour à Château-Arnoux où il prend en charge la
cuisine et la direction du reste de l'hôtel petit à petit.
Pendant toutes ces
années il participé à la mise en place
de repas, festivals, galas, partout dans le monde: En Allemagne; aux Îles
Canaries; en Suisse; aux USA: New-York, Miami, Chicago, San Francisco, San
Diego entres autres; Tokyo au Japon; New Delhi et Bombay en Inde; Bangkok, en
Thaïlande; Hong-Kong en Chine; Stockholm en Suède; Londres en Grande-Bretagne;
Sydney et Brisbane en Australie; Mexico au Mexique; Hô-Chi-Minh-Ville au Vietnam; Moscou et St Pétersbourg en
Russie. Pour couronner le tout, le 14
juillet 1989 Jany Gleize fut invité par le président François Mitterrand à
préparer le dîner offert à l'occasion du bicentenaire de la révolution
française à tous les chefs d'État.
LÉGENDE PHOTOS: La Bonne Étape Jany Gleize
Auteur: Jany Gleize
Éditions: Brigitte Éveno
Format: 260 x 190. 160 pages.
Prix 35 €
Jany Gleize et son ouvrage
Arlette Gleize
Jane, la 4ème génération entre son père et son grand-père
Jany Gleize et son équipe dans le jardin bio de son ancêtre Jean-Rey.
(Photos repro.V.B)
Pour plus d'informations,
aller sur le site: www.bonneetape.com
Victor
Bérenguier Volonne le 8 décembre 2016.
|