CHRONIQUE LITTÉRAIRE N°118: Anthologie de Poésie Française Tome III
CHRONIQUE
LITTÉRAIRE N° 118 DE VICTOR BÉRENGUIER
RENCONTRES...
Anthologie de Poésie
Française
Tome
III
Ainsi que vous avez pu le
constater dans la chronique N° 90 consacrée aux deux premiers tomes
de cette Anthologie de Poésie Française de Jacqueline
GHIO-GERVAIS, le cheminement de l'auteure dans la présentation de
sa recherche est différent de ceux des autres auteurs d'
Anthologies que nous avions alors citées. Avec ce nouveau tome,
Jacqueline GHIO-GERVAIS garde le même cap pour aborder et pénétrer
dans «la face cachée» des poètes qui transpire dans leur
poésie - qu'elle ''décortique'' au fil des pages- et qui est le
reflet de leurs émotions, joies, peines ou tourments, drames, ( en
précisant:
«
À chaque poète son drame. À chaque drame son style.») qui
inévitablement jalonnent leur existence comme pour celle de tout
être humain, mais peut-être avec plus d'acuité pour eux, comme en
témoigne les propos de l'auteure dans la préface de ce Tome III:
«Certes
le poète a sa face cachée que nous découvrons avec
bienveillance, car il
n'échappe pas à la dualité. Le bien et le mal s'opposent en lui
comme ils le font chez nous. D'ailleurs est-il possible de joindre la
vie et l'œuvre? Est-il possible de les dissocier?
Cependant,
le poète a la faculté de s'élever, il est le «prince des nuées»
pour Baudelaire, le «voyant» pour Rimbaud, celui qui nous entraîne
à sa suite et nous persuade même qu'il est nous. «Insensé qui
crois que je ne suis pas toi», disait Hugo dans la préface des
Contemplations.
Dans
une image ne trouvons-nous pas une illumination? Ne la sentons-nous
pas renaître en nous? Quelle joie alors, éblouis que nous sommes,
de prendre notre envol, suivant le poète, voguant sur ses mots,
persuadés qu'ils sont les nôtres!
La
parole devenu prophétie, nous renaissons, si je puis dire, dans le
monde oublié dont il abat les imparfaits, n'en gardant que
l'essence. Et là, s'opère le miracle! La poésie dépasse la
pensée, atteint le mirage. Alors, l'indicible, l'infini nous sont à
portée de main, offerts à portée d'âme. Cet instant fugitif
élargit notre vie, lui rend l'espace dont elle s'est privée. Nous
nous baignons dans les eaux claires de l'enfance, quelques part, dans
l'au-delà des choses et nous pensons , tout comme Marie-Louise
Bergassoli : […] «
Je sais voler , voyez comme je monte... Mon âme approche de l'azur.»
Et dans cet envol, par la
magie du verbe l'auteure, nous fait pénétrer dans l'intimité de
tous les poètes qu'elle nous présente et, par les thèmes sur la
mer et l'arbre nous goûtons aussi aux délices de la nature et
du rêve tout en savourant ceux que nous procurent la ''Rencontre''
avec chacun des poètes qui nous sont présentés.
Commençons par Lamartine avec
le portrait que nous en fait Jacqueline Guio-Gervais:
«
C'est un fait regrettable, le jeune romantique, cheveux au vent qui
soupirait au bord d'un lac, a longtemps occulté le grand homme
politique qu'à été Lamartine. Aussi allons-nous essayer de cerner
ce personnage à la fois célèbre et inconnu, ce rêveur impénitent,
cet insouciant voyageur, ce séduisant coureur de jupons. Mais nous
suivrons aussi l'orateur d'exception qui croyait si profondément en
l'Homme, a proclamé et dirigé la deuxième République, sans
oublier le ministre intègre, debout sur une chaise repoussant le
drapeau rouge. Nous montrerons également comment, chez Lamartine,
le seul lyrisme personnel est inconcevable, il débouche sur une
double réflexion sociale et mystique. »
Voici donc quelques aspects
de la personnalité du poète qui transpire du portrait dépeint par
l'auteure et que nous avons fait le choix de vous les présenter car
ils sont riches d'enseignements et suscitent la réflexion:
« … loin des calculs
personnels ordinaires de la politique, il va avoir des habiletés
savantes toujours en vue du grand but, mais jamais pour son prestige
et encore moins pour son intérêt personnel. Durant les quinze
années de vie politique au cours desquelles il se ruinera, Lamartine
va rompre avec les légitimistes qui refusent
d'admettre
que le monde évolue, sans épouser toutefois les vues de
Louis
Philippe. Bien au contraire il démissionnera de la carrière
diplomatique en précisant: « qu'il ne peut servir le nouveau roi
pour des motifs de convenance et de situation d'ordre personnel.»
D'ailleurs,
Alphonse de Lamartine s'affirme démocrate: « La forme des
gouvernements modernes c'est le gouvernement critique de la
discussion, du consentement commun; c'est la république, mais la
république mixte, à plusieurs corps, à une seule tête; république
à sa base, monarchie à son sommet... Qu'on nomme le chef président
ou roi, peu importe, il n'est plus monarque, il n'a plus le pouvoir
d'un seul.»
Et,
poussant toujours plus loin, lui, issu de la petite noblesse, va
condamner tous les privilèges de la naissance ou de la fortune
allant jusqu'à prôner, dès 1831, les points principaux de son
programme:
-
la liberté de la presse d'opinion
[...]
On peut certes se
demander si un tel programme ne relève pas du l'Utopie voire de la
folie? « Les deux peut-être...» écrit
l'auteure avant de poursuivre:
«
- Utopie d'une sympathie universelle?
Son
héros, Jocelyn, est tout imprégné de cette universelle sympathie
et
plus tard, il fera dire au Tailleur de pierre de Saint Point: « Il
me semble que je ne fais qu'un avec tous les hommes, qu'ils sont un
morceau de ma propre chair, que je suis un morceau de la leur. Je
pense que c'est cela qu'on appelle l'amour.»
Dans
les huit mille vers de cette épopée de la race humaine, le poète a
voulu montrer comment la reconnaissance d'une divinité
« source de tout» est nécessaire.
Si
folie il y eut, ce fut de se croire capable de transformer la vie
politique de la bourgeoisie chaque jour plus ancrée dans le
matérialisme
et
dans l'égoïsme.
Dès
lors, c'est sur la base d'un christianisme philosophique, d'un
humanitarisme généreux, et d'une fraternité universelle que va,
dès lors se fonder l'action poétique du poète.»
En
voici un aperçu:
«
La vigne et la maison
Extrait
du recueil Les recueillements poétiques
Toi
qui fis la mémoire, est-ce pour qu'on oublie?
Non,c'est
pour rendre au temps à la fin tous ses jours,
Pour
faire confluer, là-bas, en un seul cours,
Le
passé, l'avenir, ces deux moitiés de vie
Dont
l'une dit jamais et l'autre dit toujours.
Ce
passé, doux éden dont notre âme est sortie,
De
notre éternité ne fait-il pas partie?
Où
le temps a cessé tout n'est-il pas présent?
Dans
l'immuable sein qui contiendra nos âmes
Ne
rejoindrons-nous pas tout ce que nous aimâmes
Au
foyer qui n'a plus d'absents?» [...]
Et
ce n'est p as tout:
«
En 1848 lorsque la tempête politique éclate, Lamartine
va se trouver , durant quelques semaines, l'arbitre des destinées du
pays.
Et,
pendant qu'à droite, on espère qu'il évince les socialistes et
qu'à gauche on pense qu'il va fonder la République et la
démocratie, lui sait qu'il ne réalisera pas les volontés de tel ou
tel parti.
D'ailleurs, son programme
est établi:
«
La République, la liberté, la justice et la sécurité de tous ».
Et
lors de la chute de Louis-Philippe et de la proclamation de la
seconde République, il fait partie de la Commission du gouvernement
provisoire.
Nommé Ministre des affaires étrangères, on le voit prononcer d'un
fenêtre de l'Hôtel de Ville, un fameux discours, pour que soit
repoussé le drapeau rouge brandi par les émeutiers et acclamé le
drapeau tricolore.
Le
27 avril 1848, c'est lui qui signe le décret d'abolition de
l'esclavage. »
Parmi
les célébrités qu'elle nous fait '' rencontrer '', Jacqueline
GUIO-GERVAIS se penche sur deux d'entre-elles trop tôt disparues:
René Guy
CADOU ( 1920-1951) et Sabine
SICAUD (1913-1928 ) « Le petit elfe, comme elle était surnommée
a laissé une poésie que la nature habite. Une nature généreuse,
riche d'enseignement que l'homme dédaigne souvent par ignorance.»
Ainsi en est-il dans
ses poèmes comme:
Le
chemin de l'ormeau
J'ai rencontré l'ormeau
Pas un ormeau célèbre,
Mais un ormeau sans ex-voto,
Tournant le dos à la route
des hommes.
Sa colonne de bois, rugueuse,
nue, énorme,
Quelqu'un l'a-t-il jamais
serrée entre ses bras?
Nous l'avions mesurée avec un
fil de soie
La colonne de bois qui ne
s'arrête pas
de grossir en silence.
Mais grossir – qui jamais
voit grossir un ormeau?
Tant de jours et de nuits,
tant de soleil et d'eau,
De paix, d'oubli, de chance...
tant et tant!
Entre les émondeurs, les
chenilles, l'autan,
J'ai rencontré la Patience.
« Quelle leçon de
patience nous est donnée par cette toute jeune fille.»
Et sur ce thème de
L'ARBRE qui, - «pour le poète , peut-être tour à tour: un
confident, un être doué de la parole, et un ami» -, l'auteure
nous fait vibrer avec les poèmes d'autres poètes:
Le Premier arbre –
J. Supervielle
Le Chêne et le roseau -
J. de La Fontaine
Le Chêne et le roseau -
J. Anouilh
Aux
arbres - V. Hugo
L'Amandier
– M.L. Bergassoli
Extrait d'article de F.
Mauriac
Le
Tremble – J. Bensimon
L'Orme en été – P.
Ménanteau
Sur le thème de la
MER, nous rencontrons aussi les poètes suivants ayant chanté la
Mer:
Océano Nox –
Victor Hugo
L'homme et la mer –
Charles Baudelaire
Le Mousse –
Tristan Corbière
À Philis - Pierre
de Marbeuf
Trois jours de C. Colomb
– Casimir Delavigne
Brise Marine –
Stéphane Mallarmé
La Mer secrète –
Jules Supervielle
Je regarde la mer –
Jean Cocteau
Le cimetière marin
– Paul Valéry
L'Aventure marine –
René Guy Cadou »
En fin de ce 3ème tome,
Jacqueline GHUIO-GERVAIS nous présentant le poète Pierre Ménanteau
et, en se référant à son poème ''L'Orme en été'', elle
conclut : « … c'est la loi même de la poésie de dépasser la
pensée, d'atteindre le mirage. Dans le domaine de l'imagination,
l'infini est la région de l'imagination pure. Une imagination à la
fois rayonnante et cependant, tremblante de fragilité.
La
parole devient prophétie.
Mais,
pour atteindre ce sommet de poésie pure, il faut « quitter» ce que
l'on voit pour « retrouver » ce que l'on imagine.
Gaston Bachelard a dit
dans son ouvrage L'air et les songes:
« Imaginer c'est
s'absenter, c'est s'élancer vers une vie nouvelle. »
Pierre Ménanteau
s'est absenté pour notre plus grand plaisir et nous l'avons suivi. »
Ce troisième tome augure
fort bien de ce qui nous attend pour le quatrième qui sera l'objet
de notre prochaine chronique.
Victor
Bérenguier
Volonne
le 30 avril 2016
BIOGRAPHIE
Lors
de la présentation des deux premiers tomes (voir chronique
littéraire N°90) nous avons donné la biographie de l'auteure de
cette Anthologie.
Mais
Jacqueline GHIO-GERVAIS qui réside à Marseille est très active
comme j'ai pu le constater lors de notre entretien:
«
L'association que j'ai créée il y a neuf ans s'appelle
'L'Apostrophe. Je donne des conférences
régulièrement (4 à 5 par semaine) dans divers lieux de rencontres:
La Maison de la Région, L'Entraide des Olives, de la Valbarelle, la
Maison de quartier de St Loup, le Centre municipal d'animation de la
Valbarelle etc... Nous avons des ateliers : Atelier
théâtre
deux fois par mois où nous préparons les deux spectacles de Juin et
Décembre. L'atelier
de recherche d'écriture poétique (
c'est nouveau) un par trimestre. Également une fois par mois une
conférence musicale l'Opéra
et vous
et tous les 3 mois le Ciné
club.
Ces deux activités sont assurées par M. Perrier.
J'organise
une fois par an un championnat
d'orthographe,
une
exposition de peintures, les Automnales
(en collaboration avec le libraire du quartier nous recevons 25
auteurs) une manifestation en faveur de Téléthom
(conférence ou pièce de théâtre)
Nous
organisons des journées-sorties,
deux fois par an. Cette année Chagal aux Baux, et Van Gogh en Arles
en juin et la grotte Chauvet en septembre.Tout
cela se fait dans un climat amical et les activités intéressent
principalement des retraités. Des enseignants me prêtent main forte
vous vous en doutez.»
LÉGENDE
PHOTOS
Rencontres...
Anthologie de Poésie Française (Tome III)
Auteur:
Jacqueline GHUIO-GERVAIS
Éditeur:
LES PRESSES DU MIDI
Format:
150 x 205. 145 pages. Prix: 16 €
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